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Delphinedelphine

  • : S O L E I L
  • : Journal de vie d'une parisienne voyageuse
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15 septembre 2010 3 15 /09 /septembre /2010 06:43

 

Il s'appelle Som Phan (prononcez Somme Panne) mais tout le monde l'appelle Phan. Il est Khamuk, vient d'un village dans les montagnes a une heure de la ville. Les Khamus sont un des 132 groupes ethniques qui forment le peuple du Laos. Je l'ai surnomme Peter Pan, mais il ne connait pas Disney, encore moins Peter Pan. 

 

A 19 ans il va au lycee de Luang Prabang, perle touristique du Laos. Phan est un garcon courageux et travailleur.

Il se leve a 6 h du matin et va au lycee de 8h a 16h30. Ensuite a 17h30 il enchaine avec une ecole de Langues ou il etudie l'anglais. A 21 h il travaille comme veilleur de nuit dans la Guest House ou je me suis installee pour la semaine. Il en part a 6 h du matin apres avoir dormi par terre dans la petite cabane a l'entree, ou il y a a peine la place pour s'allonger. Phan a de la chance d'etre scolarise. Ici 80 pour cent des enfants le sont, mais beaucoup quittent le college pour aller travailler aux champs avec leur parents. Beaucoup pensent que c'est plus important que l'education scolaire, il en va en effet de la survie de la famille qui vit de ses recoltes.

Le Laos est un des 20 pays les plus pauvres du monde et 50 pour cent des revenus du pays provient du Tourisme.

Phan reve de devenir guide touristique, il aime l'anglais et veut ameliorer son niveau, cela lui permettra peut-etre de travailler dans le tourisme, ou d'enseigner l'anglais aux enfants de son village. Il n'envoie pas d'argent a sa famille, il n'en gagne pas assez, il n'a meme pas de telephone portable, mais deja il se debrouille tout seul, et ses parents sont fiers de lui. Ses freres et soeurs travaillent aux champs avec son pere. Les recoltes ce n'est pas pour en faire commerce mais pour se nourrir. Comme ils sont pauvres sa mere est allee en Thailande avec sa plus jeune soeur pour y chercher du travail. Elles travaillent dans une usine de bonbons. Sa mere a 38 ans. Autant dire que pour lui et pour tous, ici comme ailleurs en Aise et Afrique, une femme de mon age sans mari et sans enfants, c'est tout bonnement incomprehensible. Ca le fait bien rire Phan.

 

Ce tout jeune homme aime bien discuter avec les clients de la Guest House le soir, ca lui permet de travailler son angalis (et il en a bien besoin). Il ne s'approche pas trop, il faut l'apprivoiser. Il est tres timide, parle tout doucement, cherche longuement ses mots et sourit souvent, par gentillesse mais aussi par timidite quand il ne comprend pas ce qu'on lui dit ou qu'il ne trouve pas le mot juste pour exprimer sa pensee. Alors tout gene, il sort son epais dictionnaire et prend un marqueur pour souligne le terme jusqu'alors inconnu, comme pour mieux s'en souvenir.

Quand il m'a parle de son village, un soir sur la terrasse je lui ai dit que j'aimerai bien le visiter. Il m'a propose de m'emmener en disant qu'il ne l'avait jamais fait auparavant mais qu'il pourrait bien faire l'ecole buissonniere pour un jour. Comme ca je pourrai le prendre en photo avec son oncle et ses neveux, les villageois, et lui envoyer les photos.

 

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Nous sommes partis tot le lendemain matin, j'ai paye la location de la moto (120 000 kips, une petite fortune ici, 12 euros pour moi). Nous avons traverse le Mekong avec un espece de ferry dont j'ignore par quel miracle il flotte. Deja, pas un farang ici (c'est ainsi qu'on appelle les occidentaux en Thailande et au Laos). Sur l'autre rive on est tout de suite ailleurs. Une pauvre piste de terre boueuse, quelques baraques en bambous (adieu les vieilles maisons coloniales elegantes de Luang Prabang), et tres vite les montagnes, les bananiers, les rizieres et la foret. 85 pour cent du pays est recouvert de foret vierge ou de vegetation non travaillee par l'homme. Ici vivent encore des elephants sauvages, des tigres, meme des ours parait-il.

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Phan n'est pas habitue a conduire une moto, ca se sent tout de suite, il ne maitrise pas bien le passage des vitesses... Il m'a dit qu'il conduisait depuis des annees, je veux veux bien le croire puiqu'ici comme en Thailande, des que les enfants ont les jambes assez longues pour toucher les pedales ils se deplacent en mobylette. Mais ce matin me confesse que c'est tres rare et qu'il connait cette route seulement a velo. Voila qui est rassurant sur cette piste boueuse qui monte et qui descend, pleine de trous et de pierres ! Heureusement on roule tout doucement, et il ne pleut pas. Quelle chance !

Nous traversons des paysages magnifiques ou se cotoient tous les verts possibles, de celui si clair et lumineux des rizieres qu'il en semble presque irreel, a celui des teks ou des bananiers qui se melent dans la foret aux herbes hautes. Le ciel ombrage balance entre le bleu fonce et gris et nous offre une lumiere superbe. Seul les "cri-cri" des grillons nous accompagent. Dieu que c'est beau !

 

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En chemin nous traversons des hameaux de maisons de paille sur pilotis, nous croisons des hommes pleins de terre, paniers sur le dos et machette a la main; un petit garcon haut comme trois pommes en t-shirt vert et cul nul sort de nulle part dans les herbes plus hautes que lui, avec un couteau et une orange; des femmes au chapeaux coniques fait de paille deambulent lentement en portant de lourds paniers tenus par une tige de bois sur leur epaule; ici un maigre vieillard au t-shirt use et troue joue avec un enfant nu; la un tracteur passe tirant une remorque remplie de gens qui vont travailler dns les champs.

 

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Nous arrivons au village au bout d'une heure environ. Un village "moderne" puisau'il y a l'electricite et meme des robinets d'eau dans la "rue". Rue est un bien grand mot, sentiers de terre et de boue est plus juste, parmi les cabanes sur pilots en bambous et toits de paille.

 

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Une escale chez son oncle, qui tient une petite echoppe de boissons et friandises diverses. Pas etonne de voir son neveu lui rendre visite avec une farang, ni personne ici d'ailleurs.Je nous achete quelques sodas et trucs a grignoter.

Heureusement j'ai pris des baskets car pour se promener ici mes fideles Havaianas roses ne font pas le poids (mon unique paire de chaussures depuis mon depart fin avril). Partout on s'enfonce dans la gadoue, normal c'est la saison des pluies. Nous traversons le village ou des enfants curieux pointent leur nez puis partent en courant a ma vue... avant de reaparaitre bravement quelques minutes plus tard. Un mosieur coupe des lamelles de bambous, c'est ainsi que sont fait les murs des maisons ici. Un peu plus loin un groupe d'homme assis par terre dans leur maison-mini boutique d'alimentation, l'un d'entre eux me propose de gouter une specialite locale reputee, le whisky Laotien. Je tente une gorgee pour lui faire plaisir, ouch ! ca brule le gosier, meme apres quelques minutes. Une autre ? Non merci c'est gentil. Phan m'explique comment on le fabrique mais je ne comprends pas tout a cause de son anglais... Autour de nous une nuee d'enfants, tous un peu timides, avec des petits garcons plus delures. On se prend en photo, on joue un peu.

 

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Phan me dit que je peux acheter des bonbons pour les enfants.

Je refuse gentiment.

Evidemment j'adorerai leur offrir des bonbons, toute la boutique meme, a ces adorables gamins, mais par mes voyages au Senegal, au Mali et meme ici, je connais trop bien les ravages des cadeaux distribues par les blancs qui traversent rapidement des villages pauvres. Tres vite les enfants associent 'blanc = cadeau' et se mettent spontanement a demander des cadeaux, a mendier. Cela fausse tout. Souvent au Mali dans la region la plus touristique, les enfants ne nous lachaient pas les semelles pour nous demander des bonbons, de l'argent, des stylos... ou nous vendre des babioles. Je l'ai meme vecu ici. Donner ainsi c'est cautionner, encourager.Je tente d'expliquer cela a Phan. - "Sorry it's my first time" me repond-il.  Je tente de lui faire comprendre que le mieux pour le village et les enfants, quand il sera guide, c'est de reverser un peu de l'argent qu'il gagne au villageois. Ou bien que les touristes lui donnent des cadeaux utiles pour que lui les offre aux enfants, et non pas les touristes directement aux enfants. Cela fait toute la difference. Je lui dis que je vais acheter quelques livres a Luang Prabang, j'en ai vu au marche, pour qu'il les donne aux enfants. Je vais aussi imprimer les photos et les lui envoyer.

J'espere qu'il a compris parce que c'est vraiment tres important.

 

On fini a l'heure du dejeuner par rendre visite a sa grand-mere, qui comme par hasard a cuisine pour nous du riz gluant et des courgettes cuites a la vapeur au-dessus du chaudron fumant. Elle ne mange pas, elle tamise le riz, tandis que lui essaie de m'expliquer les etapes de la recolte de riz. Elle est accroupie par terre, les poules entrent souvent, elle les chasse d'un coup de main. Je propose a Phan de lui donner quelques billets pour la nourriture, il accepte evidemment et la mignone petite dame est toute contente, faussement etonnee.

Je ne lui trouve pas vraiment de ressemblance avec Phan, ni son oncle d'ailleurs. Ils ont la peau tres mate et Phan est assez pale.

 

Au moment de repartir il tombe tombe des cordes. On fait une pause chez son oncle. Je fais une mini sieste allongee par terre devant le pauvre mini televiseur fatigue a l'ecran rose. Ils regardent une chaine Thai (le Thailandais est tres proche du Laotien et aise a comprendre pour eux) qui diffusent le "Plus belle la vie" Thailandais. A mon reveil il y a un petit groupe d'hommes dehors qui regardent la serie, debout dans l'embrasure de la porte. Un peu comme au Mali ou le plus riche du village branchait le soir sa tele noir et blanc a une batterie de voiture et que des dizaines de gamins et d'hommes regardaient ainsi la tele, assis par terre dehors.

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Heureusement la pluie a cesse, nous pouvons repartir. Le chemin du retour est encore plus glissant et dangereux qu'a l'aller. Phan lui-meme se dit "afraid". Je passerai donc la plus grande partie du trajet a marcher. A moins d'etre tres experimente ou champion de moto-cross, il est impossible de ne pas se casser la gueule sur cette piste mouillee. On a assure quelques superbes glissades. Au pire on ne beux pas se faire tres mal car on va tout doucement.

"No thank you, really, it's OK I walk".

 

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Le soir a la guest house on regarde les photos du jour, je lui offre une glace et lui glisse discretement 100 000 kips dans la main (10 euros) pour la belle journee. Il me remercie et me fait un grand sourire. Il n'a pas l'air etonne. Voila comment ce gentil garcon arrondit ses fins de mois, tout en douceur et subtilite.

Rien ne dit quelle est la part du vrai ou du hasard dans cette jolie histoire... mais qu'importe.

J'ai passe un moment inoubliable dans les meilleures conditions possibles grace a ce jeune homme (si ce n'est la route), et j'aurai paye beaucoup plus dans une agence specialisee comme il y en a cent ici, et voyage avec un groupe dans un endroit plus touristique. Et mon argent aurait ete dans les poches du patron de l'agence, la je sais ou il est place, et bien place.

 

Ce soir Phan m'a demande de lui montrer comment se servir d'une messagerie sur internet. Nous allons dans un cyber cafe et je vais lui creer une adresse et tout lui expliquer. Ainsi je pourrais lui envoyer mes photos par mail. Il veut aussi correspondre avec moi pour exercer son anglais.

Savoir bien parler anglais, le Sesame pour une vie meilleure.

 

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